Peut-on réduire son empreinte carbone sans repenser sa communication corporate ?
Rarement prise en compte dans les stratégies de réduction de l’empreinte carbone, la communication corporate dispose pourtant de leviers lui permettant de consommer moins de ressources et d’énergie. Et s’il était temps d’effectuer collectivement notre transition écologique ?
Si nombre d’institutions et d’acteurs économiques ont durci leurs engagements pour se rapprocher d’un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2030, très peu ont choisi de repenser globalement leur communication à l’aune de critères environnementaux.
Au fil des années, les publications imprimées se sont certes faites plus responsables – utilisation de papier recyclé et/ou issu de forêts gérées durablement, limitation des aplats d’encre… –, mais la réflexion digitale reste encore mineure, y compris dans les chartes de responsabilité numérique dont se sont dotées plusieurs structures. Quels sont les enjeux, les freins et surtout les leviers de cette transformation ? Échange avec Sylvain Boyer, cofondateur d’Ecobranding, agence partenaire de Royalties.
Elsa Perez : On constate, même chez nos clients les plus matures dans leur politique RSE, des freins encore importants quand on leur parle d’éco-conception ou d’éco-branding…
Sylvain Boyer : L’éco-conception est souvent une idée assez bien acceptée : concevoir un objet avec des critères ou des matériaux responsables se fait déjà depuis longtemps. Ce qui est nouveau et qui effraie, c’est l’idée de repenser globalement son image de marque et sa communication de manière écologique : ce que j’appelle l’« éco-branding ». Cela demande de construire collectivement de nouveaux langages visuels auxquels les entreprises ne sont pas habituées. Par exemple, on nous a toujours appris que, pour être forte, une marque devait avoir des codes constants où qu’elle s’affiche. Or une marque « écologique » doit s’adapter à son environnement. Beaucoup ont le sentiment qu’elles vont y perdre leur identité, alors que les changements à réaliser sont parfois assez simples. Avec Orange, par exemple, nous avons inversé les codes visuels en passant au blanc pour le print sur fond blanc pour réduire la consommation d’encre, et fond noir pour le digital afin de limiter la consommation d’énergie, nous avons aussi adapté le logo pour des usages digitaux plus sobres. Tout au long de l’opération, Orange a mesuré la reconnaissance de la marque auprès d’un panel de consommateurs.
Elsa Perez : Tu parles de « sobriété ». Est-ce qu’une communication écologique, ce n’est pas aussi une communication rationalisée, qui limite le nombre de publications en print comme en digital ? Chez Angie, on parle « d’écologie de l’attention »…
Sylvain Boyer : Si, tout à fait ! L’idée paraît assez évidente pour le print : plus on rationalise ses impressions, moins on utilise de matières premières. Mais c’est aussi vrai pour le web : plus on publie de posts, plus on multiplie les réseaux, plus on consomme d’énergie et on incite ses audiences à en consommer… Parfois inutilement ! Dans les deux cas, l’idée centrale est de communiquer moins mais mieux, avec des contenus plus qualitatifs, mieux ciblés, des formats réfléchis à l’aune de critères environnementaux. J’aime l’idée que chaque acte de communication soit une preuve de l’engagement responsable de l’entreprise : son site, ses posts, ses publications…
Elsa Perez : Cette idée de preuve me semble très importante. Les entreprises fuient l’effet « green washing » et sont très effrayées à l’idée qu’en adoptant le dark mode sur leur site, par exemple, on les accuse d’une opération de communication un peu « gadget »…
Sylvain Boyer : Il y a encore beaucoup de scepticisme sur les technologies comme le dark mode (écran noir) dont il a pourtant été prouvé qu’il réduisait considérablement l’énergie des smartphones avec écrans OLED, ce qui est le cas sur de nombreux mobiles. Plus largement, nous travaillons avec une start-up spécialisée dans la mesure carbone des sites et des applications. Nous réalisons un audit du site en amont puis évaluons le « poids carbone » de tous les éléments que nous mettons en place dans notre refonte (typographies, couleurs, images, iccônes…) : cela nous permet d’apporter à nos clients un reporting précis qu’ils peuvent ensuite piloter. L’éco-branding est une démarche presque scientifique…
Elsa Perez : Qu’est-ce qui, selon toi, pourrait accélérer la transformation de la communication ? Dans beaucoup de secteurs, la pression de l’opinion publique a par exemple été décisive pour inciter les entreprises à transformer leurs business models…
Sylvain Boyer : La pression de l’opinion et celle des marques envers leurs agences. Nous l’avons constaté avec Orange, Paris 2024 ou Citeo, qui demandent à leurs agences de respecter leur démarche responsable poussant ainsi les créatifs et communicants à trouver des solutions innovantes pour développer des territoires plus respectueux et de nouveaux imaginaires plus responsables. C’est toute la beauté de la démarche écobranding qui devient une nouvelle source d’inspiration pour les agences, pour les marques et pour leurs audiences.
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Engagé dans une démarche d’éco-branding en interne et pour ses clients, Angie travaille en étroite collaboration avec Ecobranding / Royalties. Sylvain Boyer a formé l’ensemble des équipes créatives de l’agence.