• May 2016
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Que s’engage-t-on à échanger mutuellement lors d’une conversation ? Des informations, certes. Des émotions, oui. Mais encore ? Depuis l’Antiquité, 3 piliers sont au fondement de la rhétorique, c’est-à-dire de la parole efficace : le rationnel (logos), l’émotionnel (pathos), la crédibilité (ethos). Ce dernier élément est le grand oublié des discours actuels : soit tout rationnels, soit tout émotionnels, au mieux hybrides de raison et de passion, ils laissent de côté la question de la crédibilité. Elle est pourtant au cœur du nouveau deal verbal à passer avec ses audiences.

 

La crédibilité au cœur du nouveau deal verbal

Malaise dans la communication d’entreprise

Les prises de parole institutionnelles et les discours des dirigeants sont les premiers à devoir s’en soucier. Manque de sincérité, malaise dans la communication d’éléments non consolidés, malhonnêteté intellectuelle : aujourd’hui, l’analyse verbale permet de mesurer la probabilité pour qu’un discours soit trompeur. L’avalanche de « on » en est le premier signe, suivent les questions rhétoriques (sans réponses), l’abus d’adjectifs superlatifs (« extraordinaire », « fantastique »), les clichés. Comme ces prises de parole engagent souvent des propos sur le futur, l’incertitude de ce qui va advenir aggrave ce déficit d’« ethos » : discours du programme (à dérouler mécaniquement), ton de la prophétie (auto-réalisatrice, espère-t-« on »), rares sont ceux qui engagent leur être dans une posture de la proposition et de la contribution, où ils « se mouillent » et mettent un peu d’eux-mêmes.

Une communication de qualité est une communication sincère

Ma conviction est la suivante : c’est dans la crédibilité que s’enracinent les émotions, et non l’inverse. Il ne faut pas d’abord se poser la question des émotions à faire éprouver (cela risque toujours de tourner à la manipulation), mais travailler avant tout à la véracité de son discours (aligner le dire et l’être). Pour reprendre l’exemple des discours sur le futur, la prophétie comme le programme n’engagent pas celui qui parle, dès lors l’émotion tourne à vide. C’est parce que les émotions communiquées sont des émotions éprouvées, et éprouvées à partir de réels parti-pris, qu’elles sont contagieuses et porteuses d’informations : le troisième pilier du discours, le rationnel, arrive en dernier – les concepts doivent se faire crédibles et sensibles pour être enregistrés !

Savoir dire vrai

Les études de psychologie positive expérimentale les plus récentes* accréditent d’ailleurs cet ordre des priorités entre crédibilité et émotions : le ratio optimal entre émotions négatives et émotions positives serait de 1 à 3. Ce qui est intéressant ici, c’est moins la proportion (3 émotions positives à faire éprouver pour 1 négative) que le fait que ce ratio idéal ne soit pas de 0 à 3. Le modèle idéal ne peut pas être « sois positif, sois optimiste à 100% ». Pourquoi ? Car alors ce n’est pas sincère, ce n’est pas authentique**. Si un discours dégouline d’émotions positives, son locuteur occulte forcément ce qu’il éprouve, il se coupe de lui-même. Résultat : ça n’est pas crédible. Et vous pourrez mettre toutes les informations (logos) ou toutes les émotions (pathos) que vous voudrez, sans cette condition sine qua non de la crédibilité, ça ne passera pas.

Ceux qui vous écoutent ne vous donneront rien en échange si vous ne leur donnez pas d’abord un peu de vous-même : apprenez à mieux dealer avec eux à travers vos prises de parole.

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*Notamment Barbara Fredrickson, dans son ouvrage Positivity (2009) dont le sous-titre est le suivant : Top-notch research reveals the 3-to-1 ratio that will change your life ! Elle rapproche ce ratio du concept de « résilience ».
**genuine, disent les Anglo-saxons pour « authentique » : génie d’un mot qui condense l’idée d’ingénuité (spontanéité) et celle d’ingéniosité (intelligence).
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