Faut-il hacker le management ?
Parmi les différentes entreprises que nous accompagnons depuis plusieurs mois dans la transformation de leur organisation et de leur culture, une question revient désormais régulièrement : quelle place accorder aux managers dans le déploiement et la communication du plan de transformation ?
Cette question aurait paru incongrue il y a quelques années quand la vision dominante du changement accordait encore une place prépondérante à des managers qui, seuls pensait-on, pouvaient accompagner la transformation au plus près du terrain dans des structures très descendantes et pyramidales.
Mais, depuis, plusieurs phénomènes totalement imbriqués sont apparus.
- Le développement des réseaux sociaux et notamment des réseaux sociaux internes qui permettent à chacun de communiquer auprès de tous et favorise l’émergence de nouveaux « influenceurs » internes (bien au-delà des canaux hiérarchiques habituels). Une telle dynamique remet en cause la légitimité et le pouvoir même du manager.
- L’avènement et l’hyper médiatisation d’un nouveau modèle d’entreprise, agile et horizontal dans un mouvement allant parfois, dans le cas des entreprises « libérées » ou inspirées par l’holacratie, jusqu’à la suppression pure et simple du statut de manager.
- L’arrivée et la prise de pouvoir progressive au sein des entreprises de nouvelles générations remettant en cause l’autorité accordée a priori aux managers.
D’autres stratégies et surtout d’autres « activateurs » de transformation sont désormais souvent privilégiés. L’idée : s’appuyer en premier lieu sur des influenceurs internes, managers ou non, ayant la légitimité, la personnalité et surtout l’envie de s’engager dans la transformation et d’entraîner derrière eux leurs collègues.
Ces stratégies – appelons-les stratégies des alliés -, sont imprégnées des théories de la dynamique sociale des organisations qui prônent notamment de mettre les constructifs (collaborateurs positifs mais critiques) en position de convaincre les hésitants. Elles se matérialisent le plus souvent par la création de communautés. Ces groupes de collaborateurs, regroupés sous un vocable ou un autre (opinion leaders, champions, change angels…) ont une double voire une triple mission : participer à la démarche de transformation, en devenir les premiers ambassadeurs, faire remonter les éventuels blocages et autres inquiétudes venues du terrain.
D’une certaine façon ils prennent de ce fait en quelque sorte la place auparavant occupée par les managers. Comme nous le confiait le dirigeant d’une importante ETI engagée dans une telle démarche et qui avait fait le choix de s’appuyer sur les bonnes volontés du terrain pour co-concevoir et accompagner son plan de transformation stratégique : « J’ai choisi en quelque sorte de hacker mon management et de les mettre devant le fait accompli ».
Dans le même temps, ces organisations appréhendent les risques d’une démarche qui mettrait totalement de côté ces mêmes managers. Si ceux-ci se sentent mis à l’écart, nul doute qu’ils finiront par se désengager, éventuellement de manière active en cherchant à démotiver leurs équipes et, au final, réussiront à stopper l’élan collectif.
Leur pouvoir de nuisance ne peut être négligé. Là où les managers étaient LA solution, ils risqueraient bien de devenir LE problème.
Reste donc une solution : concilier les deux dimensions – horizontales (influenceurs) et verticales (managers) – et répartir harmonieusement les rôles entre ces deux populations qui parfois s’entrecroisent.
On peut ainsi imaginer de confier différentes missions aux managers dans cette « stratégie des alliés » :
- En se positionnant eux-mêmes comme des influenceurs (communautés mixtes managers et non managers) ;
- En mettant les constructifs et les engagés de leur équipe dans les meilleures conditions pour réussir ;
- En favorisant la mise en contact des constructifs et des hésitants ;
- Ou encore en s’occupant, de leur côté, des grognons et des opposants identifiés par eux ou par les influenceurs.