Julie Joly : « La sanction ne vient pas du professeur mais de l’audience »
Ex-journaliste et directrice du CFJ, Julie Joly a pris la tête d’une nouvelle école, « W », destinée à former les moutons à cinq pattes que requièrent les nouveaux métiers de la communication.
École d’enseignement supérieur post-bac créée et validée par le CFJ, « W » a accueilli ses 70 premiers étudiants en octobre 2016, pour une capacité de 100 à 120 places. Angie finance la scolarité de sept étudiants.
« W » est-elle une école de journalisme ?
Non. La vocation de « W » n’est pas de former des journalistes. Elle est d’offrir à des jeunes bacheliers le socle de compétences qui leur permettra d’exercer les nouveaux métiers de la communication et de la création de contenus numériques. En revanche, les liens de l’école avec le journalisme sont indéniables. « W » ne fait pas référence au web mais bien aux cinq « W » du questionnement journalistique : who, what, where, when, why. L’école a été créée par des journalistes ou ex-journalistes convaincus que la valeur de la démarche journalistique va bien au-delà de la sphère des médias.
Quelles compétences les élèves sont-ils censés acquérir ?
Des compétences qui ne sont pas enseignées ailleurs et qui sont pourtant indispensables dans un service de communication, dans une agence ou pour monter une société de création de contenus numériques… Notre objectif n’est pas de former des étudiants omniscients, mais de leur transmettre une culture, un savoir-faire et un savoir-être. Au bout de trois ans, ils sauront défendre un projet en français et en anglais, le gérer seul et en équipe, écrire et enrichir un contenu, travailler avec différents métiers. Ils auront aussi compris que la sanction ne vient pas de leur professeur, mais de leur audience. Les nouveaux métiers de la communication ont besoin de ces moutons à cinq pattes pour créer de la valeur et du sens : des jeunes compétents, prêts à s’engager, mais qui ne soient pas déconnectés des valeurs de l’entreprise. Des jeunes amoureux des mots, mais aussi des techniques, et créatifs dans la mise en place de solutions.
Quel est votre modèle pédagogique ?
C’est d’abord le modèle des écoles de journalisme, qui conditionne la formation à la production de contenus. Les compétences ne s’acquièrent pas, ou très peu, par des cours théoriques. L’essentiel passe par la pratique, dans des conditions assez similaires à celles de l’entreprise avec leur lot de stress, d’imprévus et d’échecs. C’est une école de production qui est aussi une école de la vie. « W » s’est également inspirée de modèles étrangers. Comme le KaosPilot, au Danemark, qui forme depuis vingt ans des jeunes capables, en toutes circonstances, d’innover et de collaborer pour trouver des solutions. Ou encore la Scuola Holden, à Turin, créée par l’écrivain Alessandro Baricco, avec une pédagogie dédiée à la production de récits. Tous ces modèles reposent sur l’engagement des étudiants et leur capacité à acquérir ou à mobiliser les compétences dont ils ont besoin pour réussir leur projet, y compris auprès de leurs pairs.
Quel est le profil de vos étudiants et comment sont-ils encadrés ?
C’est un mix d’élèves super-performants mais inadaptés au système universitaire et de « mauvais élèves » qui ont cartonné à nos épreuves de créativité… La plupart ne savent pas encore où ils veulent travailler, mais tous ont envie de s’impliquer dans ce qu’ils font. La promesse que « W » leur fait est de les suivre, individuellement, pour qu’ils soient là où ils voudront être au bout de trois ans : prêts à créer leur boîte, à prendre un emploi ou à poursuivre leurs études. La quasitotalité des enseignants sont des professionnels et les entreprises sont omniprésentes dans le parcours des élèves. Il s’agit aussi bien de grandes boîtes que de start-up qui sont accueillies en résidence dans l’école.
Quelles sont vos impressions après cette première rentrée ?
Les professionnels, les formateurs et les entreprises ont tous été bluffés par l’intensité de l’engagement et la qualité des productions. Les premiers projets sur lesquels les étudiants ont travaillé ont suscité beaucoup de stress. Mais ce « chaos » a fait émerger une créativité incroyable. Et c’est ce que l’on cherchait : pousser à se poser des questions et démontrer l’intérêt d’avoir des outils et des méthodes pour trouver des réponses innovantes.