Les salariés : une partie prenante comme les autres ?
Fréquemment, même si on constate depuis quelques mois un mouvement inverse (cf. la création en 2020 d’une nouvelle Direction de la communication interne chez EDF), les directions de la communication considèrent que « le distinguo entre communication interne et communication externe ne se justifie plus ».
Leur argument est triple :
- Avec le développement du social, les interactions entre interne et externe sont de plus en plus fréquentes ;
- « Les salariés sont des parties prenantes (stakeholders) comme les autres » ;
- Le collaborateur a des identités multiples : salarié, mais également consommateur, citoyen…
Les entretiens préalables à cette étude nous ont poussé à relativiser la tentation de fusionner communication interne et externe. On confond trop souvent « interaction » et « équivalence ».
1. Qu’il y ait davantage de porosité entre le dedans et le dehors est en effet une évidence.
Les salariés sont en effet de plus en plus engagés dans des interactions avec leurs pairs (advocacy), avec l’écosystème de l’entreprise (intelligence collective associant salariés et parties prenantes, notamment les clients) et enfin avec la cité (par exemple quand ils s’investissent dans des programmes massif de mécénat de compétences).
Cette dialectique interne/externe a toujours existé mais elle se développe fortement depuis que l’entreprise « ne veut plus être le problème, mais la solution » du progrès durable : elle crée, et ses salariés avec elle, des liens de plus en plus nombreux avec ses publics utiles.
D’autres facteurs concourent au développement des interactions : la remise en cause voulue ou subie de l’intégration des ressources avec le recours croissant à des freelances, des travailleurs indépendants, des start-up… ainsi que le rythme de l’innovation, qui fait de la conversation et de la co-création associant les collaborateurs et les « users » l’alpha et l’oméga de la conception des offres.
Interaction donc, oui.
2. Mais il n’y a pas d’équivalence entre interne et externe parce que les salariés sont une partie constituante (et non prenante) de l’entreprise
C’est la rapport Notat-Senard qui a suggéré cette différence : « Si les associés forment la société, les associés et les salariés constituent l’entreprise :
– ils mettent à disposition un potentiel (capital, compétence, capacité d’apprentissage, talent) et ils attendent que l’entreprise commune le fasse fructifier ;
– ils mènent des activités réglées par l’entreprise ;
– ils participent au contrôle de la gestion de l’entreprise (vote, participation à des instances sociales, au conseil d’administration) ».
Avant même ce rapport, la littérature managériale arrivait peu ou prou à la même conclusion.
L’idée selon laquelle les entreprises ont des parties prenantes est désormais devenue un lieu commun. Néanmoins, il n’existe, aujourd’hui, pas de réel consensus sur la définition du concept de stakeholder et, par extension, sur la signification du terme “stake”.
Mais quelle que soit la définition retenue, se dessine l’idée d’un impact réciproque : les parties prenantes sont indispensables à la vie de l’entreprise ; elles subissent des impacts négatifs ou positifs en fonction de ces décisions. Et surtout pour les appréhender, il faut les hiérarchiser pour définir une politique à l’attention des plus utiles d’entre eux.
Les critères qui font l’unanimité sont leur niveau d’interdépendance avec l’entreprise (fort besoins et/ou fort impact), leur influence (capacité plus ou moins forte d’agir sur la réputation) ainsi que leur légitimité (reconnaissance par le droit ou la capacité à dialoguer avec l’entreprise sans remettre en cause sa pérennité).
Sur une matrice qui ordonne ces critères (cf. infographie 1), on imagine mal ne pas placer les collaborateurs, à droite et plutôt en haut. Ce sont eux en effet qui, de toutes les parties prenantes, cumulent avec le plus de force interdépendance, influence/pouvoir et légitimité. Cette approche complémentaire confirme que l’on préfère «constituante» à «prenante».
Tous les dirigeants le savent : « La première cause pour laquelle ça ne marche pas est le manque d’engagement » ; 72 % d’entre eux déclarent que « l’attention portée aux salariés sera de plus en plus importante » dans les années à venir pour la réussite de leur entreprise.
Et pour cause… Plusieurs études ont ainsi montré une corrélation entre engagement et performance. Selon Towers Watson, 75% des entreprises affichant de bonnes performances financières avaient des niveaux d’engagement moyens à élevés contre seulement 47% pour les autres. Elles enregistraient en effet de meilleurs scores en termes de satisfaction, parvenaient à limiter l’absentéisme et à davantage retenir leurs talents.