Repenser notre vision des médias
Parce que le rôle du conseil en RP est notamment de dénicher l’opportunité avec le média affinitaire, celui qui monte, innove ou vous ressemble, et pas forcément juste le « gros » ou le « grand » média attendu, il impose une connaissance fine du monde des médias.
Pourtant, le responsable RP se condamne encore trop souvent, parfois pour complaire à ses clients internes ou externes, à toujours travailler avec un nombre réduit de médias bien connus car en forte proximité avec le sujet : la presse professionnelle du secteur, les rubriques sectorielles de la presse économique…Mais au risque de tourner en rond et de garder un pied et demi dans le passé.
Comment décrire le paysage des médias ?
Pure players, chaînes d’info en continu, nouveaux formats, émergence des influenceurs, presse quotidienne… Le monde des médias a ceci de particulier — et de fascinant — qu’il est éminemment divers et complexe, et il est frappant de voir à quel point on a du mal à bien le décrire, malgré le nombre et la variété des travaux, universitaires, académiques ou journalistiques.
(Notons d’ailleurs que la complexité n’est pas du tout uniquement liée à la révolution numérique : elle lui préexistait, et cette dernière n’a fait que la renforcer.)
D’aucuns décriront ce paysage en citant les familles de médias telles que les fichiers presse ou l’ACPM les classent : agences de presse, presse généraliste, presse business, presse technique et professionnelle (et son ensemble de « verticales »), news magazines, presse gratuite, presse régionale, presse magazine, presse féminine, presse sportive, télévisions et radios, « presse » numérique…
Cette approche a le mérite d’exister… mais présente aussi la limite de “figer” une matière mouvante, et de gommer les logiques ou les intentions à l’œuvre derrière chaque média.
Comprendre les logiques à l’œuvre
Et ces logiques sont nombreuses, et font toutes la différence d’un support à l’autre, dans :
- le choix des sujets en fonction de sa ligne éditoriale
- le chaud (agences de presse) ou le froid (revues trimestrielles)
- le quotidien (la presse régionale…) ou le macro (les revues intellectuelles)
- les faits (les rubriques de fact-checking) ou le débat (les plateaux TV)
- la nouveauté (le flash info) ou le récit (les magazines)
- le feel good (Le Parisien / Aujourd’hui en France et ses unes “positives”) ou l’anxiété (liste trop longue ici)
- la synthèse (Hugo décrypte) ou l’enquête (Cash Investigation)
- le sérieux (les éditoriaux) ou le léger (loljournalisme)
- la pédagogie ou l’expertise
- la recherche d’audience (les sites “putaclic”) ou l’esprit d’indépendance…
Autant d’axes sur lesquels on pourrait tenter de classer chaque média, voire chaque journaliste.
Or c’est précisément ces logiques que le conseil en RP doit connaître et comprendre pour exercer son rôle.
A ce titre, un des travaux les plus remarquables pour comprendre le paysage est sans doute celui conduit par Anne-Sophie Novel, journaliste, auteure et réalisatrice spécialisée dans l’économie collaborative, l’environnement et l’innovation sociale, et bien connue de ceux qui se sont passionnés pour le monde des blogs à ses origines.
Elle en propose une représentation sous la forme… d’un paysage : une ville, plus exactement.
Au loin, les montagnes desquelles jaillissent les sources (les agences) ; au milieu coule une rivière de news (la presse quotidienne, les télévisions, les radios) ; au centre du village, la presse locale et régionale ; des complexes résidentiels sont autant de groupes de presse (logique actionnariale) ; une montgolfière s’efforce de prendre de la hauteur (revues d’enquêtes et de grands formats, pure players comme Les Jours ou the Conversation…) ; une loupe recense les médias et émissions d’investigations (Mediapart, Cash Investigation) ; une boussole recense ceux qui se battent contre le conspirationnisme, et d’autres ; un potager réunit les jeunes pousses (médias par et pour les jeunes) ; une forêt d’alternatives se présente à l’extérieur de la cité, avec ses médias de journalisme constructif… et on passe encore sur quelques familles.
A montrer dans toutes les formations RP et/ou à tous ceux qui veulent comprendre le monde des médias !
Un système d’interdépendances
Mais la connaissance du paysage des médias ne s’arrête pas là. Elle inclut aussi les mécaniques d’influence d’un média à l’autre.
Un adage de la profession disait par exemple que les présentateurs de JT avaient la presse quotidienne sur les genoux. On sait aussi que le JDD va faire l’agenda politique des médias audiovisuels, que la presse éco se nourrit de l’expertise de la presse « trade » ou encore que les agences de presse ont souvent les faveurs des l’exclusivités.
Bref, il existe des dynamiques de reprises et d’amplification, en somme d’interdépendances, qu’il faut également maîtriser pour comprendre le fonctionnement du système médiatique.
C’est donc un paysage dont il faut étudier le relief, comprendre les logiques et les dynamiques, tout en guettant les évolutions (inflexions éditoriales, nouvelles rubriques, nouveaux médias) : c’est, en somme, un vrai travail de cartographie auquel les praticiens des RP doivent se livrer, et ce de manière continue car il ne cesse d’évoluer.